Le concept appliqué au Musée du Petit Format

 

L’éclosion d’un concept

Le « Petit format », dans son acceptation artistique et actuelle, est un concept qui perdure depuis plus de trente ans. Fin des années septante, quelques amateurs d’art de la région de Cul-des-Sarts (sud de la province de Namur) dynamisent le cercle artistique local et organisent des salons d’art. Charmante initiative en soi mais le succès reste mitigé. Les habitants sont peu réceptifs et l’aura des manifestations peine à surmonter les tiennes fagnards. Nadia Stavaux, alors présidente du Syndicat d’Initiative des Rièzes et des Sarts, et Claude Lemaire, un artiste couvinois, font appel au professeur d’arts plastiques de ce dernier : Gabriel Belgeonne. L’essor du concept en Belgique peut débuter. Gabriel Belgeonne met à disposition deux centaines d’adresses d’artistes et un concept. Un envoi par la poste plus tard, 120 artistes répondent positivement à l’appel lancé. L’année 1981 marque donc la naissance des Biennales internationales du Petit Format de Papier. A l’issue de la deuxième biennale (1983), les organisateurs de l’exposition constatent le nombre important de dons laissés par les artistes (plusieurs centaines) et décident de créer un musée pour les abriter. Début 1984, le Musée du Petit Format prend vie à Cul-des-Sarts. Aujourd’hui, les collections comptent quelque 3500 pièces venues des quatre coins du globe.

Une vision miniature de l’art contemporain

Gabriel Belgeonne va apporter à la biennale ce concept novateur en Belgique. Le Petit Format repose sur le principe que l’artiste ait la possibilité d’envoyer son travail facilement et à peu de frais. L’idée que l’enveloppe puisse l’accueillir suppose que le format de l’œuvre n’excède pas le format DIN-A4 et que son épaisseur soit limitée. De contraintes pratiques va émerger l’essence-même du musée : Le « Petit Format de Papier ».

Lors de la première biennale, une feuille blanche cachetée est jointe à l’enveloppe. Cette feuille A4 devait servir de support pour la réalisation de l’œuvre à renvoyer. Pourtant, lors des retours des œuvres, les organisateurs constatent rapidement que ce support n’est pas ou peu utilisé. Durant, la biennale suivante ce principe est totalement abandonné. En somme, les organisateurs de la biennale ont cherché à imposer un format (celui de l’A4) aux artistes mais au final, force est de constater, que ce sont les artistes qui ont « reformaté » les règles initialement prévues. La liberté artistique a pris l’ascendant sur la rigidité réglementaire. Gabriel Belgeonne évoquera cette cocasserie : « Ce format (l’A4) s’est imposé parce que nous voulions donner une certaine cohérence à la présentation de l’exposition en tenant compte de la facilité d’expédition. L’idée initiale était de fournir nous-mêmes le support sur lequel les artistes étaient invités à travailler. L’expérience nous a démontré que rares étaient ceux qui respectaient cette contrainte. »

Par après, d’autres considérations étoffent les significations liées au Petit Format. Le concept soumet les artistes à des questionnements : comment rendre la monumentalité dans une œuvre de petite dimension ? Pensez-vous que l’art puisse être cloisonné à une seule dimension ? L’art contemporain de petite dimension est-il encore possible ? Ces interrogations, les artistes ont essayé d’y répondre au fur et à mesure des biennales. Ils nous ont donné des clés de compréhension de l’art contemporain de petit format mais plus encore de l’art contemporain en général. Et aujourd’hui, ce jeu de question-réponse reste d’une actualité brûlante. La spatialité vécue versus celle qui est vue n’a jamais été aussi bien exprimée que par l’art de petit format. Cette déclinaison de significations est tout autant plurielle que le nombre de personnes ayant côtoyé le musée.

 

« Qui es-tu, Petit Format ? »

 

Bien que le concept ait été magistralement adapté à la Belgique, ses origines, encore de nos jours nébuleuses, pourraient avoir pris racines plus à l’est de l’Europe. Et c’est plus précisément en Pologne que l’on voit les prémices d’un concept si ardemment défendu par notre musée. Dès 1960, un intérêt pour l’ex-libris se développe. Les manifestations autour de ce format d’art se multiplient et bientôt, de nombreux artistes trouvent dans l’ex-libris une nouvelle manière de s’exprimer. L’attrait s’amplifie encore avec les nombreux collectionneurs à l’affût des nouvelles créations. La spéculation prend bientôt le dessus sur l’esthétique. Si on trace grossièrement les caractéristiques de l’ex-libris, celui-ci serait une œuvre gravée à tirage élevé, reprenant les noms des propriétaires, éventuellement leur maxime et/ou une date de création ainsi que la mention « Ex libris ». Pourtant, fin des années soixante, les artistes s’émancipent des « règles » établies par l’ex-libris : les formats changent, les tirages sont très limités, les techniques se diversifient. Une révolution artistique est amorcée : le petit format d’art contemporain va bientôt acquérir ses lettres de noblesse. C’est le bureau d’exposition de Lodz (Pologne) qui lance la première triennale « Small Graphics Forms » en 1979.

L’exposition de Lodz va ancrer les bases d’un concept artistique toujours actif dans de nombreux pays du monde que ce soit ici, en Belgique, mais aussi en Roumanie, au Canada, en Chine, en Norvège,…

Le Musée du Petit Format aujourd’hui

A ce jour, le musée compte quelques 4000 œuvres. Tous les deux ans, la biennale accueille entre 100 et 200 artistes issus des quatre coins du monde. Le musée continue de pérégriner dans les écoles, les centres culturels, associations de jeunes,… proposant son art de petit format à qui voudra bien se pencher dessus pour en découvrir les facettes qui sont autant de portes ouvertes vers la compréhension de l’art contemporain et du monde de l’image.

 

 

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